Dans ce magasin, on ne vend que des denrées « périmées » !

Nous le savons, notre société de consommation a des conséquences de plus en plus intolérables sur notre environnement

Nous le savons, notre société de consommation a des conséquences de plus en plus intolérables sur notre environnement et sur notre santé. Pollution extrême, destruction de la biodiversité et utilisation abusive des ressources naturelles pour la production, la gravité de la situation semble proportionnelle à notre indifférence. Si nous sommes dans l’ère de la quête perpétuelle de nouvelles solutions pour limiter ces impacts négatifs, il semble tout de même que le plus efficace reste encore de changer notre façon de consommer. Des initiatives se développent pour nous encourager à consommer différemment, et, plus particulièrement, nous inciter à modifier notre regard sur ce qui nous semble ou non consommable. C’est notamment le cas de l’épicerie OzHarvest en Australie, qui lutte contre le gaspillage alimentaire en proposant uniquement des denrées périmées mais parfaitement consommables. 

 

60 millions de repas distribués

L’ouverture du OzHarvest Market est en fait le prolongement de l’action de OzHarvest, le principal organisme de collecte et de redistribution de produits alimentaires sur le territoire australien. Leur mission consiste à récupérer les invendus alimentaires des magasins ayant dépassé la date de péremption légale, avant qu’ils ne soient jetés à la poubelle, afin de les offrir à plus de 900 œuvres de charité. Depuis 2004, l’organisme a déjà délivré plus de 60 millions de repas, et récupéré plus de 20 000 tonnes de biens alimentaires condamnés à finir dans la poubelle. Ils récupèrent ces biens sur les marchés, dans des supermarchés, hôtels, grossistes, stades, catering, centres commerciaux, cafés et restaurants, mais aussi directement chez les producteurs locaux.

Dans la continuité de ce projet, OzHarvest Market est devenu le premier marché de récupération jamais ouvert sur le territoire. Son concept est de rendre ces produits récupérés disponibles pour tous, sans aucune considération d’argent. « Take what you need, give if you can » (prends ce dont tu as besoin, donne si tu le peux), voilà la philosophie hors normes de ce supermarché unique en son genre qui assure à chacun de pouvoir repartir avec ce qu’il a besoin même s’il ne peut pas entièrement payer son panier d’achat. Pour ceux qui le peuvent, le lieu propose de faire un don à l’organisme, afin de lui permettre de poursuivre sa mission. Et pour cause, pour chaque dollar que le marché récolte, c’est deux repas que l’organisme peut offrir à d’autres personnes dans le besoin. Mais au-delà de cette nouvelle façon de vendre, en intégrant les réalités sociales de chacun, OzHarvest Market a la particularité de lutter à son échelle contre le plus grand paradoxe de notre monde. Chaque année, environ un tiers de ce que nous produisons dans le monde atterrit dans la poubelle, et pourtant près de 800 millions de personnes s’endorment chaque soir la faim au ventre.

Triomphe de l’économie circulaire ?

Cette nouvelle façon de penser la production/consommation, c’est l’économie circulaire et solidaire. Un nouveau modèle qui prend peu à peu sa place et qui rompt avec celui que nous privilégions depuis la révolution industrielle, qui suppose des ressources éternelles et qui repose sur le schéma suivant : matières premières extraites > production > consommation > déchets.Concrètement, l’objectif de l’économie circulaire est de passer d’un modèle de « réductions ‘impacts » à un modèle de « création de valeurs » sociales, économiques et environnementales.L’économie circulaire permet de considérer autrement ce que nous appelons « déchets » dans notre économie linéaire, et d’offrir plusieurs vies aux produits créant ainsi des cercles vertueux. C’est ce que fait, par exemple OzHarvest Market en proposant des produits dont ne veulent plus les supermarchés pour des raisons de législation et en créant, du coup, un cercle vertueux économique, social mais également environnemental. Le caractère gratuit de l’action ajoute une note « solidaire » bienvenue en temps de crise à cette approche circulaire.

En France, nous avons également des exemples d’initiatives d’économie circulaire. C’est le cas de Phenix, une jeune start-up environnementale scandalisée par le gaspillage alimentaire en France et dans le monde. D’autant plus que ce gaspillage a un coût pour la société. Selon la FAO, le coût économique direct de ces produits perdus ou gaspillés s’élèverait à 900 milliards d’euros par an. Et si on ajoute à cela le coût environnemental et social, l’ardoise s’élève à 2340 milliards d’euros. Alors, la mission que s’est donnée Phenix est de redonner une seconde vie aux produits, surplus et déchets. Concrètement, l’entreprise accompagne les acteurs du milieu de la grande distribution et de l’industrie dans leur transition écologique en simplifiant leurs logiques de dons, de revente ou de recyclage avec comme ambition ultime le « zéro déchets ».

Bien heureusement, la législation semble évoluer en faveur d’un recul du gaspillage alimentaire. En France par exemple, le Rapport Garot publié en 2015 et intitulé « Lutte contre le gaspillage alimentaire : Propositions pour une politique publique », avait jeté les bases d’une nouvelle bataille contre le gaspillage alimentaire. Mais si ces évolutions sont possibles, c’est en majeure partie grâce au travail de ces organismes, entreprises, associations qui luttent chaque jour pour remettre du sens dans notre modèle de consommation, et dont le travail alerte les populations et les décideurs publics. C’est par exemple le travail de OzHarvest qui avait été à l’origine d’une modification de la législation australienne en 2005 pour faciliter les dons de surplus de nourriture par les citoyens à des organismes de bienfaisance. Si on ne peut que s’en réjouir, personne ne peut perdre de vue que la problématique du gaspillage est également structurelle, inévitablement liée à des économies d’échelles et des logiques productivistes qui se sont imposées dans nos sociétés modernes ces dernières décennies.

 

Source : https://mrmondialisation.org/dans-ce-magasin-on-ne-vend-que-des-denrees-perimees/